Accueil | Les Diamants de Goa

| Lexique| Biblio| Contact|

Préambule
L'attaque de la Nossa Senhroa do Cabo
dans les îles de la Réunion et de Madagascar





Table des matières <
cheminement  > Chapitre I
labuse

Goa, Sud-Ouest des Indes Orientales, janvier 1721

    La Nossa Senhora do Cabo quitta en ce mois de janvier 1721 le port de Goa en Inde, un riche comptoir de la Compagnie des Indes Orientales portugaises. Ce navire amiral de la flotte portugaise était l'une des plus grandes frégates royales jamais construites à cette époque. Avec près de huit cent tonneaux et de soixante-dix pièces de canons, elle transportait à son bord les richesses des Indes : des tissus, de la soie, des épices, du bois exotique, des pierres précieuses extraites des mines de Golconde et des bijoux d'or ou d'argent à destination de Lisbonne. Le navire royal comptait à son bord le vice-roi de l’Inde portugaise - qui n’était autre que Luís Carlos Inácio Xavier de Meneses, cinquième comte d'Ericeira - et l'archevêque de Goa, Don Sebastian de Andrado.

Isle de Bourbon, attaque de la Nossa Senhora do Cabo, avril 1721

   Une violente tempête obligea la frégate à trouver refuge dans la rade de Saint-Denis, le port principal de l'Isle de Bourbon. Elle mouilla à quelques encablures, arrimée fermement à deux ancres massives. Le vice-roi de l’Inde portugaise, également capitaine de la Nossa Senhora Do Cabo, invité à séjourner dans la résidence du gouverneur de l’Isle, rejoignit la terre ferme. Pendant ce temps l'équipage s'affaira à réparer le navire. Les charpentiers découpèrent des pièces de bois afin de consolider la structure de la coque et le gouvernail; les gréements du navire ayant également souffert, les matelots s'occupèrent activement à la réparation des voilures, le cordage usé fut changé et les mâts endommagés remplacés par du bois trouvé sur l'île. La frégate royale était un véritable enchevêtrement de charpentes de bois, de cordages et de tissus de voiles, incapable dès lors de la moindre manœuvre.


    26 Avril 1721. Presque six jours se sont écoulés depuis la tempête. La Nossa Senhora Do Cabo, quasiment en mesure de repartir, allait rentrer dans l'histoire de la piraterie bien malgré elle. Le comte d'Ericeira, capitaine de la frégate royale, aperçut au loin deux vaisseaux battant pavillon Anglais. Les deux navires toutes voiles dehors, voguant avec les alizés, mirent le cap en direction de l'Isle de Bourbon.
    Le capitaine, intrigué, les surveillait depuis la terre ferme, où il était encore avec une partie de son équipage. Lorsque ces vaisseaux se dirigèrent droit vers la frégate royale et à toute allure, il réalisa avec effroi qu’il avait affaire à des pirates. Mais trop tard. Il voulut organiser un branle-bas de combat, prêt à en découdre avec ces coureurs des mers. Il du pourtant se rendre rapidement à l’évidence : le navire portugais était en sous-effectif et désarmé, incapable de la moindre riposte. Seules quelques chaloupes transportant capitaine et matelots réussirent à regagner la frégate. Mais les munitions manquaient, il ne restait que treize canons à bord, les autres ayant été envoyés par le fond par la terrible tempête que la Nossa Senhora Do Cabo avait essuyé quelques jours auparavant.
    À bord des deux vaisseaux fonçant toutes voiles dehors, quatre cent quatre-vingts pirates armaient leurs canons, chauffaient les pierres des mousquets et hurlaient en toutes les langues les pires jurons qui puissent exister. Le pirate Siguier, capitaine du Cassandra, le quartier-maître John Taylor, deux cent quatre-vingts pirates et trente-huit canons étaient prêts à lancer le combat. De même, le pirate Olivier Levasseur, aussi surnommé La Buse, ses deux cents hommes et trente-six canons se trouvaient à bord du Victorieux fondant sur leur proie, la soif du butin au ventre.
   Ils entrèrent de conserve en rade de Saint-Denis. Levasseur observa au verre de vue le navire portugais immobile. Pas d'équipage, des bouches à canon désarmées, l'incapacité de faire virer la frégate encore mouillée à ses deux amarres : une proie sans défense. « Préparez-vous à l'abordage, pas de pitié, pas de quartier, main basse sur les femmes et le butin ! » lança le capitaine à l'équipage.
    Les deux navires pirates étaient désormais à portée de canon. Les sabords de la chambre des canonniers sur le château arrière du Victorieux s'ouvrirent et trois coups résonnèrent.
    À terre, attirés par la curiosité, les quelques habitants se regroupèrent sur les berges pour observer le funeste spectacle qui se déroulait sous leurs yeux.
   Les pavillons anglais furent remplacés par le pavillon noir. Les hostilités commencèrent. Une rafale de coups de canons de courses, tirée de la Cassandra, marqua le début d'une attaque fulgurante. Le comte d'Ericeira découvrit deux navires lourdement armés dont l’intention était claire : s'emparer ni plus ni moins du navire amiral de la flotte portugaise.
Le navire de La Buse affala la grand-voile, vira de bord, présentant alors la Nossa Senhora Do Cabo à portée de grappins sur le gaillard tribord. Les pirates ayant échappé à une escadre anglaise à Majotta étaient motivés par un butin à portée de main. L'abordage fut rapide.
    Les marins portugais tentèrent bien de repousser l’attaque des pirates, mais leur surarmement eut raison de la frégate royale. Sur le pont, pas de pitié : la moitié des marins portugais furent percés par les balles de mousquets et tranchés par les lames des sabres. Les pirates crièrent leur victoire et sept coups de canons furent tirés pour célébrer la prise.
Au loin, les habitants de Saint-Denis, hagards et désemparés face à la violence de l’assaut, assistèrent à la prise de contrôle du navire portugais par les pirates.
    Après cette écrasante victoire, les pirates entreprirent la fouille du navire. C’est alors qu’ils découvrirent le butin du vice-roi de l’Inde portugaise, de l'archevêque et des prêtres revenant de l’État de Goa : des rivières de diamants, des pommeaux et des sculptures en or massif, des coffres remplis de pierres et d'objets précieux, des épices, des tissus, un butin assez important pour que le partage entre l'équipage et les capitaines les rendisse ivres de joie pendant quatre jours.
    Le capitaine du Victorieux fit du comte Ericeira son prisonnier et descendit à terre. Il exigea une rançon de deux mille piastres pour sa libération. « Une somme dérisoire pour un aussi grand homme ! », s’exclama le gouverneur de l’Isle de Bourbon, Desforges-Boucher. Olivier Levasseur rendit finalement la liberté au malheureux prisonnier en échange d’une croix incrustée de plus de dix kilos de diamants, qui se trouvait parmi le butin. Depuis le port de Saint-Denis, le Vice-roi assista impuissant, à la prise du commandement de son propre vaisseau par La Buse.

isle_bourbon_bellin

Carte des lieux de mouillage en 1763 et lieu de l'abordage de La Vierge du Cap en 1721
Isle de Bourbon by Bellin 1763
( © National Maritime Museum, London)
( http://collections.rmg.co.uk/)

    Après le combat, Levasseur prit en remorque la Nossa Senhora Do Cabo avec le Victorieux et rejoignit le Cassandra dans la rade de Saint-Paul, au nord-ouest de l’Isle de Bourbon. Après avoir coulé le Victorieux pour le substituer par la Nossa Senhora Do Cabo qu’il renomme du nom de son premier bateau, les deux pirates attaquèrent le Ville d’Ostende, navire marchand de la Compagnie des Indes d’Ostende. Mais là ne s’arrêtent pas leurs méfaits. En décembre 1721, sur la route en direction de l'île Sainte-Marie à Madagascar, ils incendièrent la Duchesse de Noailles, un vaisseau de ravitaillement de l'Isle de Bourbon et de l'Isle de France en vivres et en esclaves. Après cette dernière attaque, Taylor décida de cacher son butin sur l’île Sainte-Marie, repère de tous les pirates des mers du sud.
    Les deux capitaines continuèrent leurs chemins séparément. Levasseur et quarante de ses hommes se retirèrent dans la Baye d'Antongil sur la côte est de Madagascar, alors que Taylor préférera prendre la direction de Porto Bello au Panama où une promesse d'amnistie l’attendait.
    Mais ces attaques à répétition finirent par provoquer l’ire du Gouverneur Général de l’île, excédé par les pirateries et par la famine qu’elles provoquent en privant la population de ressources.
    Le corsaire Duguay-Trouin, commandant des armes navales de la France sous Louis XIV, fut chargé de ramener l’ordre dans la Mer des Indes. Dès lors, il mena des chasses-parties, excellant dans la maitrise du nouvel art de la course aux pirates. Il pourchassa sans vergogne les flibustiers et autres pirates malhonnêtes de l'équateur au cap de Bonne-Espérance. La plupart des pirates cessèrent dès lors toute activité et devinrent de paisibles citoyens en profitant de la Charte de clémence offerte par le Roi de France.
À partir de 1722, Lev    asseur se fit discret et sembla s’être rangé. Peut-être souhaitait-il ne pas subir une humiliante défaite contre le corsaire Duguay-Trouin, un adversaire à sa mesure ? Mais, ne pouvant se résoudre à rendre le butin de la Nossa Senhora Do Cabo, il refusa par deux fois les conditions de la Charte d’amnistie proposée par le gouverneur Desforges-Boucher, en 1724.
    Reconvertit en pilote dans la baie d'Antongil sur la côte orientale de Madagascar et s'imaginait oublié et rangé des navires des Rois. Il n’en fut rien !
Après l’ordre donné par la Compagnie des Indes Orientales le 31 décembre 1727 au Conseil de Bourbon, de refuser l’hospitalité à tout forban, le nouveau gouverneur Dumas jura de mettre à mort la dernière grande figure vivante de la piraterie, Olivier Levasseur, afin de tourner une page de l’histoire.

1730, Olivier Levasseur emporte son secret

    En 1729, La Buse signa finalement sa perte en offrant ses services au vaisseau La Méduse de la Compagnie des Indes Orientales qui souhaitait mouiller à Port Choiseul. Le Capitaine d'Hermitte, commandant de bord, reconnut le pirate et prit sa revanche contre Levasseur, qui maintes fois avait attaqué des navires de sa Compagnie. Il l'arrêta sous les ordres du nouveau gouverneur de L'Isle de Bourbon, qui l’interrogea avant de le jeter aux cachots à Saint-Denis.
    La Buse fut jugé pour des crimes vieux de huit ans : d’une part la prise de la Nossa Senhora Do Cabo et de la Ville d’Ostende et d’autre part, l’incendie de la Duchesse de Noailles en 1721.
    Le 7 juillet 1730 à 17h00, Olivier Levasseur connaît enfin son sort : "Voeu par le Conseil le procès criminel extraordinairement fait et instruit à la requête et diligence du Procureur du Roy, demandeur et accusateur, contre Olivier Levasseur surnommé La Buse, accusé du crime de piraterie […]. Le Conseil l’a condamné et condamne à faire amende honorable devant la principale porte de l’église de cette paroisse, nu en chemise, la corde au col et tenant en sa main une torche ardente du poids de deux livres, pour là, dire et déclarer à haute et intelligible voix que méchamment et témérairement il a fait pendant plusieurs années le métier de forban, dont il se repent et demande pardon à Dieu, au Roy. […] Exécuté à cinq heures du soir le sept juillet mil sept cent trente." Signé Chassin, Dumas, Villarmoy, G. Dumas de Lanux.


chronologie_carte_routes_des_indes_1686

La biographie du pirate Olivier Levasseur et la carte de son territoire de chasse entre 1717 et 1730.
Carte universelle du commerce, c'est a dire carte hidrographique, ou sont exactement decrites, les costes des 4 parties du monde, par P.Du-Val Geographe Ordinaire du Roy. 1686. A Paris. Chez l'auteur, en l'Isle du Palais, sur le quay de l'Orloge, au coin de la rue de Harlay. Avec privilege du Roy pour vingt ans. ( © National Maritime Museum, London) (http://collections.rmg.co.uk)

    Le gouverneur Dumas, lui-même un ancien pirate, entreprit une dernière négociation avec La Buse, afin de tenter de faire main basse sur le trésor de la Nossa Senhora Do Cabo. Mais le pirate ne vendit pas la mèche contre son hypothétique liberté. Il fut condamné à mort par pendaison à Saint-Paul. Et en guise de message aux forbans en manque de butin facile, son corps resterait pendu à la corde pendant plusieurs jours devant la porte de la chapelle de Saint-Paul !
   Accompagné par ses geôliers sur le chemin jusqu’à Saint-Paul, il grimpa les collines et traversa la ravine à Malheur. Quand, les fers aux mains, il passa sur le pont mal étançonné qui traversait le fond de la ravine, il lâcha à ses gardiens cette phrase demeurée célèbre à tout jamais : « Avec ce que j'ai caché ici, je pourrais acheter l'île entière ».
   Quand Olivier Levasseur monta sur l'échafaud, il donna un dernier indice. Il aurait lancé dans la foule un mystérieux cryptogramme et aurait déclaré : « Mes trésors à qui saura comprendre ! ».

   Il est certain que La Buse cacha son trésor...mais où ?

   Entre histoire et légende, entre l’île Sainte-Marie et la Ravine à Malheur, les plus grands découvreurs de trésors ne savent plus dans quelle direction chercher !
    Depuis plus de deux siècles, les spécialistes et les pilleurs archéologiques ont mené d’incessantes recherches dans l'océan Indien, de la Baie d'Antongil sur la côte orientale de Madagascar, à l'île de la Réunion (Isle de Bourbon), en passant par l'île Sainte-Marie (anciennement Nosy Bohara), sans oublié l’île Maurice (anciennement Isle de France) et les Seychelles (anciennement Isle des Sept Sœurs, dite aussi las Siete Irmanas). Sans succès !

cryptogramme_la_buse
Le cryptogramme du forban
illustré sur papier de velin


Table des matières <
cheminement > Chapitre I



All page content Copyright © 2003-2015 Yannick BENABEN